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Le projet d'espace muséographique

Riche d’une collection exceptionnelle couvrant tous les aspects du travail du bois, la Communauté de Communes du Pays des Ecrins, dans les Hautes-Alpes, a entrepris la réalisation d’un espace muséographique vivant, de l’arbre à l’ouvrage.

L’objectif de ce projet est de réaliser un espace ouvert, pleinement inscrit dans la filière bois, outil de développement touristique et économique et dans les environnements de la Maison des Compagnons, d’une pépinière d’artisans, et des entreprises de menuiserie et charpente locales.

Ce patrimoine haut-alpin, fait de mille ans d’histoire de travail du bois, des mines du Fournel du Moyen-âge aux moules en bois des fonderies du XXe siècle, matériel et immatériel, doit être vu ici comme un pont entre hier et demain. Mettre sous cloche n’apparait plus comme une option satisfaisante, faire vivre le patrimoine, c’est l’insérer dans la vie contemporaine et penser à demain.

Ces outils contiennent en eux les sensibilités esthétiques, sources d’émotions, et témoins du geste intelligent de l’artisan.

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Une collection exceptionnelle

Le patrimoine de l’arbre à l’ouvrage comprend aujourd’hui avec l’apport de nombreuses donations plus de 4000 objets représentatifs du travail du bois de tous les métiers du forestier au tonnelier en passant par le luthier ou l’ébéniste. Il y a tout d’abord les classiques et bien connus outils fabriqués par des outilleurs ou par l’artisan lui-même, produits de l’art populaire où les traces, usures ou marques de la main de l’artisan laissent la place à l’imagination et l’émotion.

 

Cet ensemble couvre l’évolution des métiers de 1750 environ à nos jours, outils à main, début de la mécanisation avec des machines utilisant la force humaine, puis l’utilisation de l’énergie hydraulique pour des scieries et de premières machines mues par des jeux ingénieux de poulies et de courroies. La collection comprend une scie battante, de 1877, venant de Villeneuve-la-Salle.

Dans les Hautes-Alpes l’électricité, du fait des centrales hydroélectriques, arrive dès le début du XXe siècle et transforme les métiers. Notre collection comprend plusieurs exemplaires de ces machines arrivées vers 1925.

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Le flottage du bois sur la Durance

Texte de Paul Billon-Grand

Le flottage est un ancien moyen de transport du bois utilisé sur plusieurs cours d’eau des Alpes. Le radellage (1) est bien attesté sur la Durance depuis le Moyen Âge. On utilisait des radeaux constitués de troncs assemblés entre eux et chargés de troncs supplémentaires. Les descentes avaient lieu à l’automne et surtout au printemps pour profiter des forts débits dus aux pluies et à la fonte des neiges.

La plus ancienne mention remonte à la fin du XIIe siècle. Les troncs provenaient en premier lieu de la forêt de sapins de Boscodon. Ils étaient destinés à la construction navale et à la construction urbaine.

À partir du XVe siècle, on connaît une succession d’une vingtaine de péages sur la Durance entre Embrun et Avignon, au bénéfice du roi, des évêques ou des communautés. La reconstruction de Marseille après le sac de la ville par les Aragonais en 1423 entraîna une forte demande de bois de construction de la forêt de Boscodon et les Marseillais obtinrent l’exemption totale des droits de péages. Les radeaux rejoignaient le Rhône puis étaient ensuite tractés jusqu’à Marseille.

Au XVIe est mentionné un convoi de deux radeaux pour le transport de 54 troncs de sapins de la forêt de Boscodon et le prix du bois à l’arrivée avait été multiplié par quinze par rapport à sa valeur sur pied. Les paiements pouvaient d’ailleurs être en nature sous forme de pièces de cuir issues des tanneries de Marseille. De grosses commandes pouvaient nécessiter de véritables trains de bois descendant la Durance. Toutefois les radeaux embrunais, même d’une capacité de 24 troncs, ne jouaient pas dans la même cour que les radeaux descendant l’Isère puis le Rhône composés de 9 douzaines de troncs !

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des flottages sont effectués depuis Guillestre jusqu’à l’arsenal de Toulon. Les coupes sont effectuées dans les forêts de la Réortie, d’Assan et de Combe Chauve. Les radeaux étaient montés au confluent du Guil et de la Chagne en aval de Guillestre à partir des « bois flottés à bûches perdues » sur le Guil.

Au XVIIIe siècle l’augmentation des volumes a constitué une cause importante de déboisement de la montagne, en particulier à Boscodon.

L’arrivée du chemin de fer dans le dernier quart du XIXe siècle porta un coup fatal au radellage du bois, trop long et trop coûteux. Cette pratique cessa complètement au début du XXe siècle.

Le bois de la forêt de Durbon était également transporté par radeaux sur le Buëch. On notera que la toponymie a enregistré l’importance du bois à Boscodon et dans le Bochaine.

L’association des radeliers de la Durance s’attache à reconstituer cette pratique depuis sa création en 1993. Celle de 2017 est la 19e du genre. Mais il s’agit plutôt de radelles que de radeaux.

La Durance et le Buëch ne sont pas les seuls cours d’eau concernés. Un article de Philippe Thomassin dans le livre récemment paru sur le Var décrit la pratique du flottage du bois sur le fleuve.

Des recherches toponymiques sur Réotier et sur les lieux-dits R(é)ortie (2, 3) m’ont également conduit dans le Val Pellice et le Val Cluson/Val Chisone (Piémont) où la pratique m’a été confirmée par un correspondant local.

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Références

P. Billioud, « Les bois des Hautes-Alpes en Provence », Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, Gap, 1960, p. 106-112.

Robert Brès, « Les routes du bois. Commerce et charriage sur la Durance au milieu du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, Gap, 1993, p. 53-67.

Philippe Thomassin, « Le flottage du bois », Des hommes et un fleuve : le Var, Roudoule, écomusée en terre gavotte, 2017, p. 159-163.

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Notes

(1) Je reprends une graphie existante dans des articles spécialisés (notamment celui de Robert Brès, mais d'autres écrivent avec un seul L). Dans le mien j'ai pris soin d'écrire le mot en italique. « Radellier » est aussi une graphie usitée. En moyen français, « radelle » est un « petit radeau », en latin médiéval « radellus ». Le L n'aurait pas dû sauter dans « radelier », ce qui en a modifié la prononciation. Tous ces termes sont techniques.

(2) Réotier, anciennement Reorterium. Crête de la Rortie, Freissinières ; Forêt de la Réortie, Guillestre, d’où provenaient les bois embarqués à Guillestre.

(3) Les reòrtes ou riòrtes nomment les liens végétaux utilisés dans la construction des radeaux. De l’occitan alpin re(v)òrtia = « branches flexibles pour lier les fagots » [Arnaud-Morin]. Le lien est obtenu en tordant la branche de travers et en la déformant.

L'ouvrage de Teofilo G. Pons et Arturo Genre, Dizionario del dialetto Occitano della Val Germanasca, donne la forme singulière féminine rortio = « ritorta », en français « tordu ». « Legaccio ottenuto con un giovane virgulto ritorto di salice, betulla, citiso, etc... » et précise que certaines rortia (pluriel féminin dans le Val Germanasca, rortie en bas Val Cluson) étaient utilisées pour traîner les bois.

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